Perdus dans la brasserie
C'est peut etre ça, le bonheur. Cette sensation.
Une brasserie qui fait presque l'angle, un pas de porte improbable, une vitrine minable.
C'est peut etre ça, la plus grande honte, la meilleure transgression. Valence entre hommes.
On mange un saumon empapilloté trop cuit, une plaque de verre est là pour pas tâcher la nappe en papier. Ici la France moins qualifiée rejoint quelques ingénieurs et commerciaux perdus avec le palm en bord de table. On joue aux coups de fils importants avec sa chemise manches courtes. Ici le patron est forcément sympa, petit et bourru. Pour un peu on se prendrait la claque amicale sur l'épaule en partant. Pour un peu on viendrait ici pour manger.
Mais non. Il y a autre chose.
Deux serveuses non identifiées glissent entre les tables. Une grande blonde et sa petite brune. Comme si tout était organisé, calculé. Moi j'ai la brune, qui plonge ostensiblement ses yeux au plus profond des miens à la première phrase, celle de l'apéritif.
La jeune métisse harcèle les hormones et se moule là, au creux de sa jupe contre la porte de la cuisine. Son regard fait bander, vite, profondément. Sa bouche est trop humide, brille, hurle au harcèlement. On est plus ici pour déjeuner.
Ici, l'odeur de cuisine est envahie d'un brouillard de tension sexuelle. En quelques minutes, je suis devenu cet animal fantastique à tête de gland garni de tentacules. La petite brune me regarde et joue déjà, des cils, des hanches, revient, repart, plaisante. Anna est décédée, pire, n'a jamais existé.
Il n'y a rien qu'une brutale envie, une hypothèse, et sa concrétisation. Le temps devient impératif présent. Mange, regarde, parle, baise. Ma table est un buisson et je suis sans bruit, souffle coupé.
Le café arrivera finalement avec un relachement musculaire.
Aujourd'hui, quelques crampes d'envie : revenir dès que possible et revivre.
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