jeudi, juillet 20, 2006

Du bon usage du quotidien

De la nécessité de faire quelques achats, alors Carrefour, Meylan.

La course du caddie est rapide, je fais attention à ne pas poser mais à jeter nonchalamment les fruits et autres victuailles dans mon chariot, aguerri à ce genre de gestes, le célibat affirmé, même pas voûté en poussant les roulettes rouges flambant neuf.
Ainsi, je fais peser, puis couper le fromage d’un franc « non, la moitié s’il vous plait ».

L’été, dans les grandes surfaces, la population âgée de caissières syndiquées est bouleversée par l’arrivée de plus jeunes, fraîchement étudiantes pour la plupart, prêtes à trouver un premier travail avant de quitter leurs parents pour une colocation de fac. Les tapis roulant, des bouquets d’hormones en petits tops blancs.

Les jeunes caissières se sentent étonnamment dans l’obligation de préciser le côté saisonnier de leur présence par des mouvements d’énervements, des yeux au ciel, des sourires moqueurs, des plaintes, des regards à la montre, comme un trépignement d’impatience pour leur future et riche vie : se faire sauter dans des pubs ivres mortes entre deux partiels.

Pléthore de choix en caisses.
La 13, la 24, la 34 sont ouvertes, libres, jeunes, mignonnes.
Le magasin est presque vide, le choix doit donc être rapide, je passe une première et unique fois en prenant soin de mémoriser les numéros.
Aubaine, la 24 se lève à mon passage, je retiens un pantalon moulant blanc taille basse. Je suis victime d’un shampoing effet volume de la 34 qui m’empêche de discerner ses traits, la 13 est une carte Pass, j’ai oublié mon code depuis des mois. Retour à la 24.

Là, en face de moi, une blondinette, Sabine.
Là en face de moi, un petit animal docile sans conscience aucune. Elle, comme les petits mammifères n’a sans doute pas conscience de sa propre mort, encore moins du chaos si simple dans un cerveau masculin de presque 30 ans.
Petits, certains arrachent les pattes des sauterelles, déchirent les ailes des papillons, moi je drague aussi les caissières, parce que le danger est équivalent.

Sabine commence donc à sympathiser estimant que mon âge est encore acceptable pour le sien ; que je pourrais sans doute comprendre son vocabulaire, et que ses problèmes présents ne doivent pas être encore si anciens pour moi.
Sa vie, son œuvre, son travail de serveuse, son bar vraiment pas cool ou on paye vraiment mal, les chaises de Carrefour qui sont vraiment pas adaptées à ses courbes. Nous échangeons beaucoup de vraiment.
J’emballe mes crevettes. Je regarde rouler une pêche blanche. Je me demande si sa chatte est rasée.

Elle habite en banlieue, travaille dans un bar pmu et traîne à la piscine municipale en Août.
Je ne la reverrai donc jamais. Il fait vraiment chaud aujourd’hui.