mardi, juillet 18, 2006

Dorian Gray

"Mon cher enfant, aucune femme n'est géniale. Les femmes appartiennent à un sexe ornemental. Elles n'ont jamais rien à dire, mais le disent avec le plus grand charme. La femme représente le triomphe de la matière sur l'esprit, et l'homme le triomphe de l'esprit sur la morale." Oscar Wilde.


Une journée qui paraissait banale quand je passe à ma banque, la société générale, place Victor Hugo. Je longe le Quick, reluquant ici et là comme un heureux toutou ce que l’été offre de mieux : des ribambelles de jambes, de poitrines et de culs sans âge.
Et puis voilà. Mon 17 juillet prend un autre chemin.
Une forme, des cheveux, un profil.

Loin d’imaginer qu’elle se tiendrait là, en face de moi, à dix, cinq, puis deux, et top.
Elle c’est Elle. Elle c’est F. Elle celle qui est partie. Elle une fin de moi.

Elle attend son repas, dehors, là ou on vend à emporter. Elle c’est tout à la fois.
Aujourd’hui c’est un coca et une barquette de frites.
Vivre dans l’image, dans le souvenir, dans ma perfection, dans un temps arrêté il y a quelques années. Une photo, une seule suffit.

Je m’arrête, dégaine mon téléphone comme une consistance là, tout de suite alors que je rapetisse chaque seconde. Sa tête va fatalement tourner. Et moi je vais en mourir aussitôt.
Les secondes passent…Je reste là, suspect, accusé. Levez vous.
Quelques minutes passent encore, si longues, si lourdes. Me voilà face au passé : le plus grand de mes prédateurs. Ma jambe gauche meurt en premier. Respiration.
Son attente traîne, j’ouvre les yeux.

Là, ce mélange de colère et d’odeur de frites. Là, 37° à l’ombre et moi, juste froid.
Je m’avance.
Nous parlons. Je ne suis que des yeux, je ne l’entends plus.
Elle est là, elle.
Elle qui a vieilli, atrocement marquée. Elle qui s’est laissée allée, elle et ses nouveaux kilos, là, et puis là, là encore, ses bras, ce ventre, ce haut minable, cette jupe marron douteuse, ce cul qu’on constate plus qu’on ne devine. Large, gros, mou.
Ce teint terne, cette carence martiale comme nos mots, ces voix stressées dans un flot de banalités propres aux anciens amants qui se rencontrent par erreur, dos au mur.
Ce portrait idolâtré depuis des années, la chute pour un fond touché le 17 juillet. Enfin.

Elle est une autre et pire, elle est Elle. Je suis un autre.