dimanche, mars 19, 2006

Grattons un Bingo

Il y avait un grand parc, un lac, des montagnes, des tourniquets, du soleil et des arbres centenaires encore dénudés.
Alors il y avait ceux qui tapaient le ballon à coup de rires gras Décathlon, ceux qui rollaient avec les genouillères et leurs larges culs, des petits chiens qui roquaient, des poussettes à trois ou quatre roues partout comme autant de pilules arrêtées "parce que je sens que c'est le bon moment".
Des langues aussi, qui tournent à gauche, à droite, qui sortent et se léchent le visage, là, assises sur le muret en béton. Des groupes de mecs regardent passer les grappes de filles. ça accoste et ça insulte, parfois ça crache aussi.
Un Dimanche. Annecy. Et puis moi.

J'étais là aussi, entouré de ce climat détestable ou tout va bien parce qu'on est assis sur du vert et qu'au dessus c'est bleu et jaune.
Une journée ou les hormones se découvrent quand d'autres meurent sur des bancs ridés, main dans la main à regarder les canards. Leur parler, parfois. Et si on se détestait pour faire semblant de s'être aimé. Un Bingo ?

Là, on bouquine Psychologies magazine, Stéphen King, on sudokute entouré de vies, de bébés qui hurlent, et ces caprices partout tournicotants en braillant.
La femme française est en moyenne petite et plutôt ronde, alors le dimanche cette moyenne explose au visage, les chiffres se déforment dans une vérité absolue, les 42/44 manifestent sur l'herbe, trimbalant leur Adidas masculin de conjoint, la Seat Léon garée pas si loin.
Grattons un Bingo.

Comme sur une plage, la masse grouille mais oublie le mélange, même le dimanche, le loisir n'exclut pas la différenciation sociale. Le coin des joueurs de diabolo n'est pas choisi au hasard, les pétasses siglées Von Dutch ne racolent pas n'importe ou, le troisième âge devenu quatrième, le casquetté Renault F1 Team réservent une place précise.
Ici, des serviettes et des coussins quand les corps quémandent du confort, ici de l'assise solide, du banc à mamies parce que les conversations durent, petits enfants si cons, là bas on tape le djembé, certains couples se cachent quand d'autres s'exhibent.
Les quartiers se reforment ici sur l'herbe, je passe sans m'arrêter, Anna agrippée avec pureté.

Elle n'a peut être jamais gratté de Bingo.