"Désir et amour ne font pas bon ménage.
Ils sont antagonistes, se combattent, s'excluent souvent. Les mots nous trompent : plus on aime, plus on a du mal à faire l'amour. Plus on adule, plus on respecte, moins on bande. Stendhal a cent fois raison, ce malheur est extrêmement commun.
C'est le syndrôme trop belle pour moi. Trop admirable. Trop aimable, au sens exact du terme. Peu d'hommes le savent, moins encore l'avouent, mais tous le sentent. C'est leur angoisse fondamentale dès qu'une femme leur plait.
C'est le grand secret de la désinvolture amoureuse des garçons dont les filles se plaignent depuis la nuit des temps. De leur besoin de découper la femme en morceaux, en bout de désir et de fantasmes, les cheveux, les seins, la bouche, le cul, les hanches, les jambes, les chevilles, tout et n'importe quoi, mais surtout pas la femme entière qui vous rappelerait qu'on l'aime tant.
De la nécessité de draper ces morceaux de fantasmes de tissu (..) pour les voir sans LA voir, pour transformer les jambes dans leurs bas, la poitrine gainée dans sa guépière, comme autant de marchandises prêtes à l'achat.
Une désacralisation. Une protection. Une armure.
Une garantie du plaisir des garçons, mais aussi celui des filles. Paradoxe cruel."
E. Zemmour, Le premier sexe.
<< Home