jeudi, janvier 12, 2006

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Il y avait moi. Et puis autour il y avait environ 80 femmes.
Magasin Zara. 16h.

Euphorie gratuite, je suis accoudé à un présentoir devant le monde et sa misère, des joutes de regards hostiles vers les paires de bottes à 45 euros, et des trous, des petits trous, partout.

J'accompagne Delphine, chienne folle dans un champ de truffes, elle accuse la trentaine flagrante à coté des vendeuses, des clientes; son expression, son regard pétillant ont un effet délavé, ridulé.
La relativité trouve sa splendeur dans la comparaison, dans la fatalité du temps et de son observateur. Je la laisse fuir sans l'accompagner au premier étage.

Surprise, un petit cul à demi nu se dévoile à ma gauche, le jean taille basse est mon meilleur ami, c'était un string à fleurs turquoises, sans connaissance, sans prénom mais immortel.
Je suis un fantôme, invisible, envie de voler du regard une paire de seins, un maquillage trop marqué, une blonde méchée asymétriquement, des brunes aux cheveux tirés, plaqués, enfilées les unes près des autres devant les collines de chaussures dépareillées comme elles.
La vie à l'état brut : bactérienne.

Elles ont 15 ou 45 ans, sont là, heureuses et fourmillantes, se dandinent et jonglent avec les 36 ou 42, se dévisagent, essayent, payent et font la queue devant la mienne.
Si une d'entre elles pouvait se casser une patte, si une seule pouvait s'isoler dans un coin du magasin loin du troupeau, je serais dans un documentaire animalier, prédateur dans les hautes herbes, près à déchirer de la chair, du cul, faire une romantique boucherie, et l'inonder de roses ou de sperme, sous la narration de Pierre Arditi.

Vient mon tour, l'ambiance est plus calme, un gentil gay me touche le bras quinze fois pour me dire que ce costume Kenzo me va tellement bien, que ce jean est parfait, que ces basquettes bleu-Armani iraient si bien avec. Je viens de dépenser un Smic en 2h, le cul sauf.

Stéphanie annule notre rendez vous pour cause : soldes avec une copine : la boucle est bouclée.