La liste
Dans le fond d’un placard, un vieux caleçon offert et présent là, sans trop savoir pour quoi.
En temps normal mes vieux vêtements, d’une époque où le corps évolue vers une sorte d’apogée risible, sont entassés chez mes parents, entre les combinaisons de ski fluorescentes et des couvertures en laine. Tout en haut.
A une époque libre, j’entrais dans ce caleçon avec une idée de futur propre; aujourd’hui mes couilles s’y frottent comprimées de prénoms et d’avenir opaques.
Le caleçon accroupi sur un lit de 90 à barreaux métalliques, je remplissais un agenda Quo Vadis vert bouteille. J’avais une chose à noter par semaine, et elle semblait alors primordiale.
Au fond de l’agenda, à la place du budget dépense, une liste de prénoms, des codes, des lieux, des notes sur 20 et une appréciation sous forme de phrase unique.
Dans ce vert bouteille, des noms d’hôtels ou de lieux, des tours de poitrines, des supers et des torrides entremêlés de recommandations pour moi, pour un moi plus tardif.
Pendant une période faste d’une seule année, il m’avait fallu tourner la page, et recommencer une liste à côté. Ces prénoms ne pouvaient être qu’une équation dont découlerait indubitablement une solution sous la forme d’une entité unique.
La liste faisait son effet dans mon groupe d’amis, c’était un peu comme voir la taille de la bite des autres dans la douche d’un sport collectif quelconque, en ayant la plus grosse.
Une première fois, je me suis persuadé que le recensement était terminé. Un prénom restait seul, et les lignes suivantes, blanches.
Quelques années plus tard, la liste recommença, je mis une note au prénom ainsi qu’une appréciation.
La nature a horreur du vide.
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