jeudi, avril 13, 2006

Hors piste

11h. Alpe d'huez, l'île au soleil.

11h. Devant moi, une jeune médecin de presque 30 ans.

Brune aux cheveux longs, épais, soyeux comme sortis d'une pub L'Oréal, les yeux bleus profonds délicatement maquillés, un corps impossible dans un cabinet médical, je suis en admiration, elle me parle, je bois chaque mot en plongeant dans le décolleté virtuel de son haut ultra moulant.

Je veux être malade, ausculté, mon scénario s'engage dès elle me parle, je n'écoute plus, nous sommes déjà ailleurs, loin des compresses et des ligaments explosés, loin des fractures ouvertes et des laits maternisés.
Je suis ailleurs et elle me parle de cromoglycate de sodium à 2% parce que c'est la floraison des frènes ou bien c'est moi, je ne sais plus.

Il faut une seconde fois, sortir du cabinet, parler d'autre chose, savoir, la connaitre.

Alors tant pis, elle reste encore un mois, la saison s'arrête. Un mois, voilà ce qui me reste.

Par détour et des tours, je l'invite à déjeuner.
Elle pense d'abord que je l'invite avec son confrère, que nous serons trois à parler de cromoglycate de sodium, de frènes, de malades, de réforme et de médecin traitant...

Il faut donc être très clair, et puis tant pis.

"A vrai dire, je pensais qu'on pourrait déjeuner tous les deux.."

Lourde phrase sortie comme on enfonce une luette, par contorsion de sphincter, je m'étouffe avec les temps, pensais que, conditionnel.
Elle fait "Ah ?" Elle vient de comprendre, plus rien n'est professionnel.
En une phrase nous sortons du contexte, nos nous changent, je viens de tuer elle et moi devant un bureau. Là, c'est elle et moi dans un possible ailleurs.

Je passe en une seconde du statut d'inconnu plutôt sympa au mec qui veut la revoir, qui s'intéresse, qui se jette à l'eau, là comme ça, entre deux consultations, un mec qui veut potentiellement son cul ou autre chose. Les sourires sont figés de questions.

Elle, passe en une seconde de la praticienne à la conquête, d'un regard neutre à l'envie.
Son statut s'érotise avec quelques mots assemblés, les miens. L'air a changé, il se charge de surprise et de gène, de non dits et de pensées fulgurantes. Elle me regarde.

"Ben c'est vraiment très gentil." Elle sourit. Et celui là marque ma fin, parcequ'il me la faut, je n'y peux plus rien, cruelle beauté improbable.

Moi : "Pourquoi pas la semaine prochaine ?"
Elle : "Pourquoi pas..."

Aparté, moi : Arreter avec la négation, c'est suicidaire.

Je l'appelle mardi.